
Thomas voyage avec sa clarinette et avec son carnet de croquis.
Nous en exposons quelques-uns lors des spectacles quand l’espace le permet.
Ils seront bientôt reliés dans un beau carnet. Avec quelques textes du spectacle.


Le village d’Udabno est au milieu d’une steppe très sèche. Udabno, ça veut dire « le désert ». Il a été construit en urgence pour reloger des montagnards dans les années 1970 loin de leurs montagnes, quand leurs villages ont été détruits par des glissements de terrain et des tremblements de terre. Beaucoup sont vite repartis. Il n’y avait pas d’eau ni pour eux ni pour leurs animaux , pas d’électricité, pas d’école.
On nous parle du béton soviétique , qui a bien mal vieilli en 50 ans.
Aujourd’hui il y a à peu près tout le minimum à Udabno.
Des touristes défilent pour visiter le monastère troglodyte du XIIe siècle, qui marque la frontière avec l’Azerbaïdjan.


Je croque cette scène très symbolique au marché de Kutaisi.
La Lada de base fait une bien petite camionnette mais le matériel communiste standard s’adapte finalement au commerce de légumes en ville.
No problem.
Le carnet de croquis
On nous avait dit « Batumi, n’y allez pas. C’est une station balnéaire devenue un Las Vegas pour touristes russes au bord de la mer Noire.
Il s’est remis à pleuvoir. Je croque à toute vitesse sur mon papier trempé, comme aimait le faire Victor Hugo.
Surprise: mon dessin fait illusion. On croirait des bâtiments anciens, alors que j’ai croqué deux délires d’architecture moderne. À droite c’est l’hôtel Sheraton. Les grandes plages de la mer Noire , avec leurs gros galets, sont à 200 m de là.
Ces gratte-ciels sont des délires d’oligarques russes et géorgiens, héritiers de puissantes mafias. Par les temps qui courent, ça rassure semble-t-il. Le principal d'entre eux a pris fin 2024 le contrôle du parlement géorgien.
Les puissants savent s'y prendre pour servie leurs desseings. Ils savent faire illusion. Comme mon dessin mouillé par la pluie.


Non, la Basilique d’Antchiskhati, à Tbilisi, n’a pas brûlé ainsi sous mes yeux. Mais cette image me hante ce matin, après deux mois sur place. Ce pays vit sur un volcan. Il vit entre ses grand frères turc, iranien. Et en ce moment, c’est le grand frère russe qui menace, qui a déjà mordu à deux reprises depuis trente ans. Cette crainte semble à fleur de peau pour tous les Géorgiens.
J’ai besoin de dessiner côte à côte les deux faces de ce pays. A droite sa face paisible. Ces gens joyeux, accueillants, liés par une religion paisible, solide. A gauche le volcan. Le pays fragile, en feu. Une violence, une menace sourde, à deux pas d’ici.
Je trouve un banc pour dessiner dans le petit parc de la basilique. Je termine mon dessin quand une amie russe me rejoint. Mon dessin l’intrigue. Je tente de lui expliquer mais elle ne comprend pas. Dont acte…


C’est le dimanche des rameaux. Nous nous asseyons dans un coin et observons le défilé d’hommes, de femmes de tous styles qui embrassent les icônes avec ferveur, discutent fraternellement et assez bruyamment avec les popes.
Pas facile d’attraper ce geste pourtant tellement fort. Pour une fois, je m’aide un peu d’une photo.


Pas facile de communiquer ici. La langue date de plus de 4000 ans et ne ressemble à rien de connu. L‘alphabet date du 3e siècle.
Alors le premier jour, je m’amuse à recopier soigneusement le traducteur Google : « Nous sommes français. Nous venons pour faire de la musique, dessiner, rencontrer des gens d’ici ». Je pense que ce texte est bourré de fautes mais il aura provoqué beaucoup d’éclats de rire.
Le rire est comme le chant et le dessin. Ils se passent de traducteur.
